Bruxelles, 22 mars 2016, billet blanc pour un noir printemps

Le printemps venait d’ouvrir les yeux alors qu’avec lui éclatait autre chose, dont nous allions nous souvenir longtemps. Alors que je m’ébrouais en ce matin du 22 mars, je reçus de mon fils un message énigmatique et sans ambages : « ça va !? ». C’est lui qui m’informa, dans mon jardin préservé, des terribles attentats qui se passaient à Bruxelles, en temps réel.

Depuis ce jour, je veux vous écrire et depuis ce jour, je n’avais pas encore réussi à le faire. Après tout, que dire !? Des lieux communs comme le fait que la violence nourrit la violence et qu’il est (grand) temps de penser/panser le monde autrement ? Dire que Gandhi et Einstein avaient raison, affirmant avec force et sagesse, pour l’un que ce monde de paix auquel nous aspirons tous par nature, commence par se construire en chacun de nous et, pour l’autre, qu’il ne sert raisonnablement à rien de tenter de résoudre un problème avec le système même qui l’a généré, des évidences pourtant !

Comment agir pour participer d’une résolution de ces intolérables tensions dont les conséquences impitoyables, arbitraires, violentes à l’extrême venaient nous rappeler, au cœur de notre tranquillité, que le vers était bien déjà dans la pomme, que ce que nous vivions n’était que des conséquences, non des fatalités et que la responsabilisation serait le seul chemin de la prise de pouvoir sur nos futures réalités !?

Jour après jour j’observais l’impact de tout cela en moi et chez mes compatriotes de tous clochers ; dans la rue, les cafés, au téléphone et par Skype, alors que des messages nous arrivaient de partout et que nous en parlions, nous commentions les événements, apprenant au détour que le fils d’untel et le cousin d’un autre, n’étaient plus, qu’une autre avait eu sa chevelure entièrement cramée, qu’une autre encore resterait probablement aveugle,… que de drames individuels, quelle tristesse, au-delà de l’atteinte psychologique généralisée due à cette écrasante actualité ! Les détails croustillants auxquels nos médias tendancieux nous ont habitués (et qui mettent de l’eau au moulin de certains, comme personne ne l’ignore), portaient en eux l’horreur et la possibilité de l’identification. Une jeune bruxelloise, en chemin ce matin-là pour aller enterrer son père : le métro fut le cercueil de sa mère…

Les médias : 5% de factuel, 95 % d’émotionnel, ça tournait en boucle sans jamais s’arrêter, vous parlez d’un méta balancier, toutes ces soi disant « infos » n’étaient diffusées que dans le but de générer en nous de la peur, vous le savez.

Pendant que la police et les forces d’intervention d’urgence faisaient leur travail, plus habiles semble-t-il à résoudre les conséquences de ces attentas qu’à les empêcher – quand bien même il apparaît qu’ils avaient été prévenus, comble de tout… – j’observais et cherchais à accueillir tout cela, tout en réfléchissant et construisant une réponse qui apparaitrait quand se seraient organisées et réactualisées en moi ma représentation du monde et ma perception de ce qu’on nomme la sécurité – toute illusoire pourtant – dont nous jouissions en Belgique jusqu’à cette explosion d’un bien noir printemps.

Tous en colère !

De quoi s’agissait-il vraiment et que faire de la violente colère qui émergea et s’exprima en masse, vivace dans le cœur de chacun et se jouant étrangement jusque sur le territoire de l’intimité des relations ? Le monde est mon miroir. C’était comme si, profondément ébranlés dans notre rapport à la confiance et à la sécurité – tant à cause des attentats que de ce ou ceux qu’ils mettent en cause – le monstre s’était réveillé, nous poussant à questionner plus en amont les fondements de notre paix et de notre immobilisme. C’était comme si la tangible charge émotionnelle ambiante s’était répartie et cristallisée pour une prise en charge individuelle, afin qu’elle puisse s’exprimer en chacun pour se dissoudre peut-être au niveau collectif ?

Le monde miroir, Milan Kundera, transurfeur avant l’heure (dans l’Art du roman) : « … j’ai compris d’emblée que les mécanismes psychologiques qui fonctionnent à l’intérieur des grands événements historiques (apparemment incroyables et inhumains) sont les mêmes que ceux qui régissent les situations intimes (tout à fait banales et très humaines). »

Le calme atterré qui suivit les attentats, alors que nous comptions nos morts et mesurions l’ampleur des dégâts, s’est mué ensuite en une vague assombrissante – comme les hélicos dans le ciel – de colères individuelles, qui déferla sur chacun et, plus qu’une bombe locale qui n’atteignit que peu de monde, fit trembler toutes nos certitudes. J’étais en colère mon fils était en colère, mon Jules était en colère, mes clients étaient en colère et peut-être bien que vous aussi, vous étiez en colère !?

Voilà que la matière à penser que je recevais du monde (intérieur/extérieur) ne me parlait que de colère, laquelle se révélait au même moment d’ailleurs – fameux le chef d’orchestre ! – où je travaillais ce potentiel en excès dans un de mes groupes d’intégration Transurfing.

Une pénible expérience d’impuissance

Tout cela me donnait à comprendre que la colère est avant tout un acte désespéré, la manifestation d’un douloureux sentiment d’impuissance dont se sert l’ego lorsqu’on le pousse dans ses retranchements et qu’il n’a pas pu trouver autrement les moyens d’assouvir et/ou de faire entendre quels sont ses besoins. Avoir besoin de sécurité est un besoin réel et légitime, un des tout premiers droits que devrait pouvoir garantir une humanité dite évoluée, au risque de perdre son appellation. Face à ces attentats nous faisons une pénible et concrète expérience d’impuissance, la colère que nous ressent(i)ons n’était que la manifestation d’un grand stress d’inhibition qui nous figeait sur place, interdits, les bras ballants.

Cette sécurité, à laquelle nous sommes tant habitués que nous en plaçons la condition à l’extérieur de nous, venait de nous être – violemment – retirée. La Belgique en tremble encore, pas tant à cause de ce qui s’est passé, mais elle tremble et tremblera à présent de cette illusion blessée, de cet espoir désormais vain d’une sécurité acquise. ça a pété, ça pourrait bien péter à nouveau n’est-ce pas, c’est ça que l’on se dit !? Voilà 30 ans que nos gouvernements bombardent le Moyen Orient sans nous émouvoir plus que cela, 30 ans que cette « stratégie » ne marche pas, mais aujourd’hui la tendance est manifestement de vouloir continuer, d’augmenter la riposte, pour garantir des privilèges et perpétrer un modèle auquel nous ne croyons plus. Voilà ce que les gens que nous avons élus et dans les propositions desquels nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas nous reconnaitre, veulent : faire un peu plus de ce qui ne fonctionne pas : Morts par centaines de milliers à l’appui et déferlement de phobies en tout genre. Les plus pessimistes d’entre nous diront « On est pas sortis de l’auberge…« 

Cessons d’être contre, soyons pour !

Ce monde nouveau et juste, qui se cherche et se questionne, nécessite un mouvement éducatif ample, collectif et musclé, pour qu’advienne le changement auquel nous aspirons. En trouverons-nous les moyens, alors qu’en nous, gronde encore tant de colère, tant d’inhibition d’action ? Voilà la question qui se pose. Selon la théorie, l’importance – vitale – qui se dégage de cette nécessité est à même de nous en empêcher.

Mon invitation du jour, mon message, mon sos bouteille à moi est de vous dire que la dissonance que vous ressentez et que vous nourrissez en vous mettant en colère afin de justifier et d’amplifier votre état – afin en réalité de mobiliser vos forces de guerre et de ressentir votre puissance – n’est que la manifestation d’une importance que votre ego, votre mental conditionné veut défendre : touche pas à ma paix, touche pas à mon jardin et à ma tranquillité, touche pas à ma vie sans peurs et sans reproches, touche pas à mon inconscience. Tourner votre colère contre la vie, contre Daich et les extrémistes, contre l’injustice, contre votre conjoint ou contre vous-même, est mal la diriger et ne fera que la renforcer. La polarité qui se révèle là est sécurité/insécurité – liberté/entrave – Les uns sécurité/ liberté sont tout aussi illusoires que les autres, insécurité/entrave. Car nous le saurions déjà n’est-ce pas, si la liberté et la sécurité menaient d’office au bonheur. Si c’était le cas, je serais en chômage technique, or… il y a tant de travail !

L’importance, une perception inadéquate de la réalité, nous aveuglait en nous faisant croire que nous étions en sécurité, nos égos s’y asseyant comme sur un socle et l’importance sur cette thématique est encore ce qui nous aveugle aujourd’hui en nous faisant ressentir à présent qu’il y a du danger. La vie, par nature, est insécurité. Une aventure tragique, dont on ne sait jamais quand elle se finira. Le ça-voir et l’accepter est véritablement (la seule) source de liberté et de sérénité.

Ce qui arrive est toujours ce dont nous avons besoin pour grandir

L’invitation est de voir cela, et, si de la colère il reste encore, de l’utiliser puissamment pour se dresser et se mettre collectivement, plus concrètement et joyeusement au travail : car, ce qui n’est pas illusoire par contre, c’est que ce nouveau monde a besoin de nous pour advenir, de nous autres nourris à la quiétude et bien gras, qui paissons tranquilles depuis si longtemps, taillant éternellement notre crayon. Le temps des vaches grasses pour les uns et des vaches maigres ailleurs, a cessé d’être tolérable, c’est selon moi la seule vérité utile que ces évènements bouleversants et regrettables sont venus nous révéler et dont parle notre colère. Et s’il a fallu que nous en fassions l’expérience pour le réaliser, alors je dis que c’est un bien.

Tirer des enseignements et se mettre en action

Comprenons, il ne s’agit bien évidemment pas de se réjouir du malheur – recevez ce billet comme étant avant tout un message solidaire et empathique – mais il s’agit, pour tirer enseignement et profit de ces tragiques événements, de basculer en préfrontal pour en déceler les enseignements. Nous ne voulons pas et plus de violence, très bien ; que faire dès lors – avec amour – pour que notre colère d’impuissance se transforme en force d’action qui génère l’amour? Que faire pour faire revenir la paix en soi ?

Devenir/Être soi

Accepter et chercher à déplacer notre regard/attention de ce que nous ne voulons plus vers ce que nous voulons, le définir et l’exprimer en le mettant en œuvre, en lui donnant notre attention et nos meilleurs soins est ce que nous avons à faire individuellement, en priorité. Ah déjà, l’énergie est toute autre, l’inspiration revient, nous quittons nos rôles de guerriers, d’indignés, d’offensés, de victimes et retrouvons notre puissance. Définir un but à son niveau personnel, et se mettre en action, même petitement, sur des projets et des dynamiques qui portent les valeurs que nous voulons voir se manifester, en évitant de donner notre énergie à ce que nous ne voulons plus, voilà qui donne de l’espace et de l’enthousiasme. Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, sans eux en amont, le lit peut devenir stérile.

En conclusion

A la lecture de cet article, votre mental vous dit peut-être : « La politique ce n’est pas pour moi, c’est pas mon truc, je ne sais pas vraiment quoi faire pour faire changer les choses,… » La politique concerne les affaires de la cité, et c’est son plus grand mensonge que de nous avoir fait croire que ce n’était pas l’affaire de chacun. Nous sommes des citoyens, la politique nous concerne. Nous pouvons reprendre sur elle notre pouvoir. Qu’avons-nous, sinon, à exiger des autres qu’ils se réforment si nous ne pouvons obtenir cela dans nos sociétés démocratiques ?

Ceci dit nous ne pourrions pas ou ne voudrions pas tous être des politiciens au sens strict du terme, il ne s’agit pas de cela. Faire de la politique et être politicien sont deux choses différentes. S’il est vrai que nous avons tous à chercher et à trouver quelle est la nature spécifique de notre participation, quelle est notre valeur ajoutée personnelle et comprendre comment l’exprimer, il est vrai aussi que certains contextes/situations demanderont au tisserand peinard de délaisser quelques temps son métier et de rejoindre l’Agora… A voir.

L’action tue le stress, quel qu’il soit

Je suis personnellement sortie de l’état d’importance et du stress d’inhibition dans laquelle ces événements m’ont plongée et me suis remise en mouvement, de la façon suivante :

  • En me remettant à écrire et à vous écrire
  • En projetant et investissant mon besoin d’amour, de paix, d’élévation de conscience, d’éducation et de collaboration :

– Dans la création d’une édition 2016 de l’Université d’été Transurfing au Domaine de Brocéliande e x c e p t i o n n e l l e ! (Je vous retrouve bientôt sur la toile pour une présentation plus détaillée de cette proposition. En étant inscrit(e) ICI vous les recevrez en priorité).

– Dans la prise de responsabilité et de décision quant à m’accorder plus de temps pour créer et mettre en place les nouveaux stages et dynamiques dont je suis inspirée (dont de nouveaux ateliers d’écriture, patience et merci pour ceux qui en veulent !)

– En m’investissant dans un groupe de recherche, d’actions et de partages avec et pour le développement des jeunes générations.

  • En m’accordant aussi plus de temps de créativité (plastico-ludique) et de pratiques qui me font du bien, pour nourrir un équilibre émotionnel en moi plus stable (comprenez libre des circonstances extérieures) afin de développer plus encore de sérénité, de conscience et d’amour en moi et dans mes relations proches.
  • En m’autorisant enfin, sans dramatiser, à être en panne de temps à autres et à me sentir parfois dépassée par les événements, comprenant qu’ils me donnent toujours la possibilité de grandir, me poussent à me connaître et à manifester davantage qui je suis en profondeur, pour offrir au monde miroir ma cohérence, comme puissante, simple et ultime collaboration à l’amour et à la paix.

« Ne demandez pas de quoi le Monde a besoin, demandez-vous ce qui vous rend vivant. Puis, faites-le. Car ce dont le Monde a besoin, c’est de personnes qui savent vivre pleinement. » Harold Whitman

Et vous ?

Si vous étiez en panne, comment avez-vous pu redémarrer ?

Quels sont les projets/dynamiques que vous inspirent le monde nouveau, et sur lesquelles vous avez choisi de mettre votre focus ?

Merci de m’avoir lue, dans l’attente de vous lire à mon tour

Votre toujours bien dévouée,

Tati Clara

 

 

 

 

 

 

 

2 réflexions sur « Bruxelles, 22 mars 2016, billet blanc pour un noir printemps »

  1. Philippe LEGER

    Merci a vous Tati Clara

    Merci pour votre lumière posée sur les événements et offrir l’opportunité de nous permettre de nous remettre tous en route vers une réalité plus « Claire » vers plus d’harmonie , de bonheur et peut être contribuer a ce que le genre humain soit communion ,soit partage; amour ,paix.
    Je me souviens , d’un passé de mon adolescence ou avec des « frères » nous visualisions une énorme sphère de lumière…, sur notre planète .( d’autres groupes d’homme et femme a leur manière l’ont fait aussi…) Ça s’était avant la chute du mur….
    Je viens de réaliser qu’ensemble nous projetions la réalité de notre monde sur le miroir (non pas parce que nous avions peur pour nous ; l’ enfance ce fout de demain, mais parce que c’était une chose normale, saine et gratuite) .
    Puis on vieillit « on devient adulte comme il dise » La sphère s’est réduite a mon petit monde a ma sécurité, a mes proches, a mes intérêts parfois .On se ratatine on devient égoïste.
    « Les dormeurs doivent se réveiller » sortir du confort et de l’anesthésie d’une image de réussite sociale imposée .(Balancier)
    Le monde ne nous est pas imposé, nous l’avons choisi, nous le construisons. A nous tous de le penser, a nous tous de le visualiser, que notre existence soit création (Une belle création)

    Mes meilleurs vœux de paix intérieures .

    Philippe

    Répondre
    1. Claire van Gheluwe Auteur de l’article

      Merci de tout coeur Philippe, de vos mots en écho, très justes, si responsables, magnifiquement inspirants ! merci, dans la lumière évoluons :)

      Répondre

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